samedi 26 mai 2012

Shibusa Shirazu Orchestra


             Ambiance concentration et cosplay. Nous ne sommes pas à Shinjuku mais à Vienne. En coulisses se préparent plus d’une vingtaine de membres du Shibusa Shirazu Orchestra : musiciens, graphistes, danseurs de butō ou créatures mangas suscitent la curiosité et le respect.

           Sur scène le chatoiement d’étoffes et de poudres va s’animer et la concentration laisser place à une exubérance contagieuse. Un premier morceau nous évoque presque la Salsa du Démon, du Grand Orchestre du Splendid. Les danseurs en plus. Les graphistes aussi. Et tout le reste, tout cet indescriptible joyeux bordel qui s’empare de la scène. C’est effectivement une tranche vivante du fameux quartier de Tokyo qui nous est livrée ici en live. D’ailleurs la troupe vit littéralement sur scène, elle vit une expérience artistique et nous la fait partager, dans une sorte de happening géant et publique.

          Le danseur de butō révèle tout son pouvoir émotionnel et subversif. Tellement puissant qu’un groupe de copines à côté de moi dans les gradins ne pourront résister à la répulsion suscitée en elles par une telle force, une telle introspection. Mais pour la plupart du public, il est impressionnant de percevoir comment cette chorégraphie, cette méditation relie le danseur au cosmos, et nous avec lui.

          Une petite étoile filante découpe brièvement le ciel de Vienne. C’est le moment que choisissent les maîtres du dragon pour faire entrer en scène leur totem. Synchronicité diront certains. Tenu en laisse par trois subtils filins verts, guidé par trois hommes-lilliputiens, un gigantesque serpent d’aluminium et d’hélium déambule prudemment. Il investit l’espace aérien sous nos yeux ébahis, d’où perle une larme de joie, une gratitude de notre enfant intérieur. L’univers de Miyasaki s’offre à nous, sa poésie, sa magie. Un instant unique que le théâtre antique accueille avec tendresse, bercé d’une voix de soprane.

         Ainsi s’enchaîneront les performances musicales et chorégraphiques dans une ligne d’horizon vers toujours plus de poésie, de délicatesse. Dans un élan croissant vers ces artistes vivant devant nous, qui nous rendent encore plus vivant à notre tour. Devant ces médiums qui captent l’énergie céleste pour la restituer. Devant ces passeurs de l’au-delà, ces frères japonais qui nous inspirent l’amour, pour eux, pour nous, pour la Vie.

Imperial Kikiristan de Kigrad


              L’état du Kikiristan ayant interdit les fanfares de leur traditionnels lieux d’opération – mariages, naissances, funérailles – la troupe Imperial est partie en exil à travers le monde. Elle nous offre un show explosif et sa vitalité fleure bon les accents de l’Oural et de l’Orient. Ce qui ne l’empêche pas de s’inscrire dans la grande famille des fanfares et n’est pas sans rappeler notre fanfare Pustule lyonnaise. Au bout du compte, cela reste de grands enfants qui veulent s’amuser, faire la fête avec leur grosse caisse, s’époumoner dans leur tuba et nous entraîner avec eux.

           Mais des enfants  suffisamment malins pour emmener dans leur pays imaginaire toute une partie du public qui pense réellement voir sur scène une formation caucasienne. Et qui même après révélation de ce passe-passe artistique préfère s’accrocher à la belle supercherie. Pourtant Emmerick, Benjamin, Florian, Quentin, Guillaume et Colin sont bien français, bourguignons même pour certains.

            Ce n’est pas tout. Nos garnements ne se contentent pas de nous happer dans leur imaginaire festif, ils sont également éthiques. Mais c’est quoi une fanfare équitable ? Le principe consiste à collecter l’argent nécessaire à la tournée avant de partir à l’étranger pour ensuite pouvoir jouer gratuitement dans des structures un peu plus marginales comme des centres de désintoxications, des bidonvilles, des prisons, des Favelas. Les concerts en France pouvant servir de revenus préalables à une tournée dans les Balkans par exemple.

            Et la musique dans tout cela ? Même si l’ensemble de la prestation manque encore d’unité, le principal objectif est atteint : nous réjouir et nous faire danser. Il n’y qu’à voir comment le public était chaud à la fin du set hier soir : ambiance mariage plutôt que funérailles. On comprend que les autorités de Kigrad aient préféré se séparer de tels trublions, pour notre plus grand bonheur.