dimanche 29 avril 2012

Manu Codjia Trio \ Covers au Hot Club


  
Manu Codjia sort délicatement la guitare de son étui. En un mouvement à peine remarqué pose déjà ses premiers accords. Sonorités électriques façon Joe Satriani. Quelques mesures seulement, avant que ne le rejoignent Jérôme Regard à la contrebasse et Philippe Garcia à la batterie. Démarre alors une poursuite effrénée sous les voûtes du Hot Club. Départ immédiat en vitesse lumière vers des tunnels intergalactiques électromagnétiques. Aux pieds du guitariste, une quantité de pédales de distortion, chorus, flangers, delays, echos, EQs, réverb, wah wah et potentiomètres plus abondants que dans le cockpit de l’Enterprise. Qui file tout droit en évitant les météorites : la batterie connaît la modulation adequat, l’ondulation qui les contourne. La basse donne les coups de gaz synchrones qui propulsent l’engin - comme ce déhanché après la bosse sur une piste rouge. Ainsi pourvu, le vaisseau est à disposition du capitaine Manu, du commandant, attachez vos ceintures tout va bien se passer. Looping, piqué, voltige, rien ne semble impossible au trio spectral. C’était Beat it, en époustouflante reprise et en introduction magistrale du set.






Sorti en 2010 « Covers » est inspiré de standards pops ou rocks emmenés avec maestria dans l’univers du jazz par le jeune guitariste. Après « Songs Line » en 2007 et « Manu Codjia » en 2009, l’artiste nous gratifie d’un album aérien et lumineux, ancré et inspiré. Nourri aux tubes des années 80’, c’est tout naturellement que Leonard Cohen, Serge Gainsbourg ou Michael Jackson ont pris place dans son imaginaire. Un répertoire encore peu abordé dans le jazz, malgré quelques tentatives heureuses comme Nguyên-Lê par exemple.

              
 
Sur Redemption song qui prend la suite nous changeons de planète. Relax hypnotique. Se laisser porter, embarquer. Plus le choix, les arrangements vous collent au siège, sur les ballades comme sur les tempos hardcore. C’est cette subtilité de l’écriture harmonique qui donne sa poésie et son style singulier au trio, ré-haussée de la touche d’improvisation scénique qui parfait le tableau. Le Requiem pour un con fusionné avec Je t’aime moi non plus est envisagé sous un rythme infernal. Le grand Serge en aurait rêvé, Manu l’a fait. Riffs paroxystiques qui exacerbent la rythmique hachée. Retour en douceur sur Halleluyah, vallée verdoyante, moteurs coupés sauf une légère Charley menée aux balais, vol plané silencieux, le bruit de l’air sur les ailes.

Sans heurts, sans douleurs, les bandits pas manchots kidnappent notre esprit. Jimmy Hendrix assis au premier rang, spectateur invisible, savoure la liqueur de son petit protégé. Sa satisfaction est palpable : son âme résonne ce soir sous les doigts sauvages d’un Haut-Marnais béni, dont les pierres du Hot vont ressuer pour longtemps encore les mélodies.


Willy J





mardi 10 avril 2012

My Benson !

Georges Benson


Il faut avoir vu ça au moins une fois dans sa vie. Au bout de deux mesures le public commence déjà à applaudir, emporté par l’énergie imposante du sextet. Le bassiste prend son pied, au figuré d’abord, car il a un ressort à la place de la colonne vertébrale et ressemble à un Jackson five de la grande époque. Mais aussi au sens propre car il joue du tambourin avec son pied gauche, façon homme orchestre !
Souvenez-vous de ces atmosphères orageuses où l’air est lourd et la tempête inéluctable. Eh bien l’ambiance au théâtre antique hier soir pouvait se percevoir comme cela. Quand le rythme s’empare de tout, de tous, musiciens, public, instruments. Quand il agite jusqu’à vos cellules les plus profondes, que vos hanches bougent seules et votre voisin est sur le même tempo. Que même la régie son se trémousse. Alors vous savez que l’orage est inéluctable. Si le mot communion a un sens c’est bien celui-ci : 7500 cœurs vibrant à l’unisson, 7500 paires de mains qui clap, clap, clap, dans une transe joyeuse.
Comme le dit ma voisine « ça groove sérieux ». Quand on fait danser les femmes comme ça, on est forcément un génie du jazz !
Alors arrive l’étincelle qui déclenche la foudre. Quand le groupe entame « Give me the night », c’est une tornade qui s’abat sur le théâtre antique. 7500 personnes se lèvent et dansent ! C’est le délire le plus complet, un paquet de minettes et d’aficionados s’agglutinent devant la scène. Une première demoiselle escalade la barrière et grimpe sur le plateau. Plus prompt que l’éclair un vigile officiel s’approche pour la faire descendre. C’est alors que le bodyguard du crew Benson lui fait un signe, apaisé, majestueux « laisse, on a l’habitude, je gère ». Une deuxième jeune fille vient danser au côté de notre guitariste star qui visiblement se délecte de ces marques d’affection. Puis une troisième et une quatrième, puis un homme. Les vigiles en évacuent quelques uns, craignant le tsunami. La dernière élue de la soirée, une jolie blonde aux cheveux longs,  fait encore quelques pas de danse, embrasse Georges et s’en repart, les yeux pleins d’étoiles.
Vendredi matin je me réveille péniblement à 6:00. Quand soudain le groove me reprend malgré moi. L’énergie d’hier est encore présente ! Alors je mesure la générosité et la puissance que nous a délivré Georges et ses acolytes. En fin de set, le groupe nous gratifiait d’un « Vienne on vous aime !». Je voudrais vous associer à moi pour leur crier en retour : « Georges, Michael, David, Thom, Stanley, Oscar : on vous aime ! »



Willy J

Robert Glasper Experiment


 

Décrire le concert, ou plutôt la performance de Robert Glasper hier soir n’est pas chose aisée. Aucun style, aucun projet ne peut s’y référer. Prenez un beau bouquet de musiciens : Casey Benjamin au saxo, vocoder et keytar, Derrick Hodge à la basse, Robert Glasper bien sûr au piano et en guest star Sean Jones himself à la trompette, délaissant pour une jam session ses camarades du Tribute To Miles. Prenez les attributs bien garnis du son électro : vocoder, nappes, loop. Mixez le tout avec un robot Glasper ©. Vous obtiendrez un excellent bœuf (pas bourguignon). Si les ingrédients sont frais et de qualité, ce qui était le cas hier soir, vous pouvez ajouter des riffs de basse bien saignants, un solo de piano aux petits oignons, assaisonnez de visuels rissolés. Laissez mijoter à 50°C dans un chapiteau survolté et bien trempé, vous obtiendrez votre meilleur Hip Hop. Ou Chill Out. Ou Drum and Bass. A chaque fois la fournée est de premier cru. La formation sait jouer tous les styles avec un égal talent. Casey est crédible en homme robot avec sa banane à la Ruby Rhod, le présentateur radio déjanté du Cinquième élément. Robert sait nous rappeler qu’il est jazzman et virtuose au piano. La fusion jazz et hip hop est une alchimie délicate que peu savent maîtriser. Quand on écoutait hier soir la descente harmonique au clavier en même temps que les infrabasses qui nous perforaient le thorax, on a pu définitivement classer Mister Glasper dans la famille des grands chefs.




Willy J. 

Franck Tortiller « Le rythme et le bleu »


 

Franck Tortiller a fait ses débuts dans le bal en Bourgogne, à la batterie. Outre que cela vous forge l’endurance d’un musicien, c’est également une école du swing que d’arriver à faire danser les gens pendant cinq heures !
Après des précédents projets sur Led Zeppelin ou sur l’opérette, Franck aborde cette fois le blues avec pour source d’inspiration Otis Redding, Aretha Franklin,  Roy Ayers, Stevie Wonder, Prince, Curtis Mayfield et même Nino Ferrer.
S’il assume sa proximité avec Andy Emler et son MegaOctet, il possède néanmoins un style bien à lui, en témoigne son projet « Ivresse » en 2009, centré sur le geste. Jamais en repos, il travaille actuellement sur un projet de musique mandingue avec entre autre l’ensemble vocal Sequenza 9.3.

 Place donc à cette formation sans guitare, sans piano et sans voix mais pas sans talent. Le mini Big Band ( !) s’installe avec cinq cuivres, une basse, une batterie et bien sûr deux splendides vibraphones en devant de scène. On remarque de suite le jeu à quatre baguettes, technique singulière qu’a développée le percussionniste et qui procure des sons riches en harmoniques.
La première composition, « le rythme et le bleu n°1 » attaque sur un tempo soutenu et une intro de cuivre en fanfare. Les cassures de rythme sont fréquentes et parfaitement menées jusqu’au final millimétré. Le second morceau « le rythme et le bleu n°4 » entame une intro de cuivres plus progressive, façon film de Lelouch. Les percus viennent ensuite se poser délicatement et introduisent un solo de clarinette tout en délicatesse, magnifiquement suspendu aux pulsations bleues des coups de baguettes (magiques). Un absolu entrelacs qui monte crescendo jusqu’au paroxysme avant de suspendre son vol et repartir en douceur. Puis reprendre son envol tel un condor majestueux.
La basse aura le privilège d’introduire la 3eme composition, nous sommes maintenant dans un parking souterrain du Bronx, la Ford Falcon avance prudemment dans une atmosphère à la Shaft. C’est au tour du trombone à coulisse de prendre le devant de la scène pour un emballement rythmique sans bavure jusqu’au climax. Le talent des compositions et de leur interprétation réside dans des rythmes apparemment binaires dans la puissance de leur balancé mais en réalité incroyablement complexes puisqu’ils permettent des montagnes russes tempiques d’une maestria invraisemblable. S’ensuit un solo de vibraphone où les lames libèrent les perles d’un chapelet bleu riviera. L’orchestre nous administre une potion qui nous bascule directement au fond du terrier de mister Rabbit, dans le monde magique et bleu, sans autre substance que celle des notes. Franck Tortiller nous arrache doucement à la pesanteur, nous fait flotter à quelques pieds du sol. Ses compositions prennent la maîtrise sans violence de l’espace-temps du théâtre. Pour nous déposer subtilement en fin de set, groggys et heureux, sur un plancher un peu plus riche de saveurs.
Les vibraphonistes, en dignes héritiers des muses savent nous emporter dans la voûte céleste, la basse et la batterie nous ancrer dans la terre, et les cuivres jeter les lianes dorées tendues entre les deux. Chapeau à notre griot bourguignon !



Willy J

Brooklyn Funk Essentials


 

Lati Kronlund est un pilier de la basse funk. Il fonde les Brooklyn en 1993 et sort rapidement en 1994 l’album "Cool and Steady and Easy » une référence de la période acid jazz. En 1997, ils enregistrent un second album, "In The Buzzbag", entièrement réalisé à Istanbul, avec la collaboration de musiciens Turcs. Le troisième aura un accouchement plus long sur le label Pias et s’est terminé au festival des Vieilles Charrues devant 80000 personnes en 2001. Leur quatrième album « Watcha Playin' » sort en 2008.
Ces grands fans des Sly and the family Stone assument un funk débridé que nous apprécions effectivement « on stage ».
Une bonne section de cuivre pour commencer, çà vous pose une ambiance. Les Brooklyn attaque fort – trompette, saxo, trombone à coulisse. Le public répond. On enchaîne sur un balancé funk, avec une batterie implacable et les chœurs en soutien. On est dans l’ambiance, la soirée sera funk, assurément ! Hanifah Walidah avec sa beauté androgyne et sa voix grave se pose en véritable Master of Ceremony du set. Le second morceau arbore un tempo de salsa. Dans la fosse les partenaires se cherchent déjà sur fond d’ondulations hanchistiques. A suivre un bon ska, rien que çà, inspiré d’une polka de Mozart, achevé sur un final symphonique. Ainsi vont les Brooklyn, capables de naviguer d’un funk pur et dur vers un style punk en passant par des polyrythmies cubaines. Hanifah possède une présence scénique impressionnante, c’est une scateuse de talent et elle a surtout le don de capter l’énergie du public vers la scène. C’est donc une première partie de très haut niveau auquel nous avons eu droit hier soir, avec des musiciens d’excellence, capables d’aborder d’autres rivages que leur terre de prédilection avec un égal talent.

Ecoutez également notre interview exclusive et explosive que la chanteuse Hanifah Walidah nous a accordé après le concert.

Willy J

DO YOU BELIEVE ?


 

L’espérance nous rend vivant. Ce message que nous délivre Ayo – qui signifie joie en yoruba – est plein d’espérances. Cette foi en la musique, en l’homme, en la vie ou en toute autre chose qui nous anime. Cette jeune chanteuse de 31 ans et déjà deux fois maman vit chacun de ses concerts comme si c’était le dernier, y met toute son énergie, tout son amour. De fait quand elle entre en scène hier soir, l’émotion nous envahit instantanément. Sur « How many people » Ayo scande ses paroles comme un mantra sur fond de dub envoûtant. Son dernier album, « Billie-Eve » est un hommage à la vie et à l’amour. Un hommage à sa fille ainsi prénommée et qui l’accompagne en tournée. Pour ne pas manquer de l’amour de sa maman. Alors quand la jeune chanteuse évoque la statue de la vierge qui surplombe le théâtre antique, c’est un frisson particulier qui nous parcours, léger et apaisant. La sincérité de l’artiste touche le public venu nombreux et en pleine empathie avec cette belle personne qui pousse l’attention jusqu’à s’adresser à lui en français. L’allégresse du dub est communicative, bien porté par  Raymond Angry aux claviers, Walter Willams IV à la guitare, Alfred Carty à la basse et Michael Desir à la batterie. Leurs nappes poétiques sont une douce vallée de mousse qui recueille les gouttes de cristal des paroles de leur égérie.
La seconde partie enchaîne sur un son folk où l’on peut admirer la présence de la chanteuse qui habite la scène munie de sa seule guitare et de sa voix. Une voix puissante et émouvante, tranchée et douce, qui va vous chercher au plus profond de votre intérieur pour vous élever vers votre âme, sans souffrance. Une voix capable de passer de la violence de l’indignation à la douceur de la compassion dans la même seconde. La reprise de « Just the way it is » de Mickael Jackson nous porte au sommet de l’émoi.
Il est vrai que Ayo est une fervente admiratrice du roi de la pop, qu’elle considère comme une quasi divinité de la musique. Elle terminera d’ailleurs en lui rendant un vibrant clin d’œil, moon walk et gant blanc à l’appui. Alors, sur un coucher de soleil sublime, je vois pour la première fois en concert les chandelles-téléphones portables onduler dans la foule et créer un scintillement d’étoiles dans la nuit tombante. La plus belle façon de dire merci à cette artiste, d’exprimer notre gratitude pour sa générosité, sa beauté, sa grâce. Yes we believe.




Willy J

Gretchen Parlato



          Jamais autant de bonnes fées et de gentils sorciers ne s’étaient penchés sur le berceau de la carrière naissante d’une jeune chanteuse. Après cinq années d’études à la Thelonious Monk Academy, elle obtient en 2004 non seulement son diplôme mais aussi la reconnaissance d’éminents membres du jury, dont Herbie Hancock, Wayne Shorter, Quincy Jones, Dee Dee Bridgewater, … excusez du peu ! Pour couronner le tout Robert Glasper a co-produit son 3eme album, « The Lost and Found », que nous nous avons le plaisir de découvrir ce soir sur la scène du théâtre de minuit. Elle est accompagnée de Mark Guiliana à la batterie, de Taylor Eigsti au piano et Alan Hampton à la basse, qui posent le registre indéniablement jazz de la chanteuse. Mais comme elle aime à le rappeler, si le jazz est vivant il doit être capable d’accueillir d’autres saveurs, d’autres épices, comme la pop, la folk, la country, les musiques brésiliennes. C’est que toute petite déjà elle tapait le rythme dans sa baignoire, sous les yeux ébahis de sa maman. A treize ans elle découvrait la Bossa Nova et en gardera un amour profond pour le Brésil. Elle a en outre étudié les percussions au Ghana. Ces traits de biographie nous permettent de comprendre ce placement si particulier de la voix chez cette mélodiste atypique. Où les silences comptent autant que les sons. Les arythmies autant que le tempo.

Sur scène dés le premier titre, « Butterfly », elle pose sa voix fluette sur des nonchalances, susurre sensuellement au micro. Le jeu resserré de Guiliana s’emboîte dans le rythme, avec un soupçon de Bossa. S’accompagnant aux maracas sur le morceau suivant elle n’en demeure pas moins suave et aérienne, toujours accompagnée par le phrasé concis du batteur. Elle pousse la délicatesse vocale jusqu’à la quasi aphonie parfois, ce qui lui donne sur les fins de phrases une belle fragilité. Pour rebondir sur un souffle plus mélancolique ou tragique.
Même si le timbre est encore peu puissant, c’est donc une voix pleine de promesse qui nous est offerte avec cette chanteuse talentueuse et généreuse. Talent à suivre !



Willy J

Richard Spaven’s quintet Live featuring TY Suivi d’une Jam Session exceptionnelle



                     Sommes-nous à Londres pour une soirée du mythique label WARP ? Le son Drum and bass nous y ferait penser. Ou bien au Rex Club tant le sound system est puissant ? Bon sang mais c’est bien sûr, nous sommes au Jazz Mix, Jazz à Vienne, France ! Pour un set qui n’a rien à envier à ces deux références. Et pour cause, le rappeur TY est un digne représentant du label Ninja Tune via sa branche Hip Hop, Big Dada. Il a été sollicité par Lily Allen sur son dernier album et nous délivre ce soir une performance impressionnante. C’est un Master of Ceremony de haute volée, intransigeant et charismatique qui fait corps avec le public. Il a fait le déplacement depuis Londres spécialement pour le Jazz Mix. Il sait aussi conduire le quintet de Richard Spaven à la façon d’un chef d’orchestre de Brass Band, le micro en plus. Il faut reconnaître que Robin Mullarkey à la basse et Grant Windsor aux claviers savent créer une atmosphère qui sied parfaitement aux slams du MC. Dans cet écrin aux sonorités parfois presque Deep House, TY donne tout son grain. La performance aurait certainement pu être prolongée si un public plus nombreux avait sollicité le rappel. Gageons que cette expérience aura d’autres déclinaisons tant son potentiel est immense.


Ambiance fébrile après la fin du set, excitation dans l’air, des musiciens s’agitent. Nous reconnaissons les choristes et le guitariste de Ben L’Oncle Soul qui viennent de triompher au Théâtre Antique. Mais aussi James Cammack, le bassiste de Ahmad Jamal ! C’est donc sur une bassline de haute volée que vont alterner des musiciens amateurs et leurs aînés auréolés. Dans un respect mutuel et une symbiose musicale étonnante, tous les musiciens sont guidés par le pur plaisir de jouer. Vont défiler, outre nos stars déjà citées, un slameur, un trompettiste, un sax, un harmonica,…. Evidemment les chorus de James sont un bâton de dynamite dans le petit chapiteau. Une explosion de joie bien sûr, son visage bienveillant et toujours souriant est un encouragement pour les jeunes pousses. Bref, une session dans le plus pur esprit de Jazz Mix, rapprocher les géants d’un jazz traditionnel avec les nouvelles formes d’expression musicales, Hip Hop, Electro. Et réciproquement faire connaître aux jeunes générations leurs racines et les sources de leur art. Pari réussi donc pour une des premières Jam Session de cette année, qui a placé la barre très haute !



Willy J

Ebo Taylor & Afrobeat Academy


 

Le concert d’hier soir sur la scène du jazz mix est exceptionnel à plus d’un titre. D’abord parce c’est une occasion unique d’écouter la formation Afrobeat Academy dans notre région. Ensuite parce que Ebo Taylor, agé de 74 ans, est une légende du Highlife, au même titre que Fela l’est pour l’Afrobeat. La formation nous vient de Berlin qui est actuellement une scène très active du Highlife Ghanéen, cette musique traditionnelle du Ghana apparue au début des années 1900, que Ebo fusionnera avec le funk et le jazz et que Fela fera évoluer plus tard vers l’Afrobeat en y intégrant, entre autre - le style des brass band américains. Cependant Ebo n’avait aucun album encore distribué internationalement. Il faut donc rendre hommage à l’Afrobeat Academy pour avoir enfin donné la visibilité qu’il méritait à ce fringuant ancêtre. « Love and Death » paru en 2010 répare ce manque et est également suivi d’une grande tournée dans toute l’Europe.
Les mucisiens sont tous des pointures du style, issus en partie des formations Poets of rythm ou Kabu-Kabu. Ben Abarbanel-Wolf au saxophone, directeur musical de la formation, saxo de Xavier Naidoo et au crédit de pas moins de 34 albums! Philip Sindy à la trompette, J. Whitefield à la guitare , Patrick Frankowski à la basse, Henry Taylor aux claviers, Ekow Alabi aux percussions, qui a inventé le Sunlife, un mix de highlife et de reggae, Eric ‘Sunday’ Owusa aux percussions.
Sur scène, l’esprit du groove anime Tebo d’une ondulation élégante. L’orgue Hammond électrique diffuse ses harmoniques bienfaisantes. Bien sûr la basse et la batterie sont les piliers d’un beat hypnotique et puissant. Truffez le tout de longues lancées de cuivre et vous obtenez la pierre philosophale qui agite le dancefloor. Le set a des accents rafraîchissants, diaboliques et exutoires. Dans le morceau hommage à Charlie Parker, « So Jazz », les jets de saxo fusent comme des feux de bengale. Assurément il aurait été dommage de ne pas kidnapper Ebo de son Ghana natal !



Willy J

Alfio Origlio 4tet



                       L’ambiance feutrée du club de minuit était idéale hier soir pour accueillir Alfio Origlio et son quartet. Le pianiste Grenoblois en profitait pour nous présenter son nouvel album « Wings and notes » sorti il y a deux semaines. Accompagné de Eric Prost au saxo, Jérôme Regard à la basse et  Andy Barron à la batterie, il a su captiver un public malgré des conditions climatiques plus proches du sauna que de la salle de spectacle.

Le quartet est passé maître dans l’art de nous bercer d’abord tendrement afin de nous laisser glisser sur la mélodie. Il continue à chalouper sur un clapotis calme et envoûtant. La houle va jusqu’à s’arrêter puis reprend insensiblement. Tel le zéphyr méditerranéen, il se gonfle en orage, gronde dans la voile de notre épiderme galbé de sons.
Le bien à propos « ascendances », courant d’air chaud, clin d’œil au précédent album éponyme, continue à diffuser sa pluie de notes, attrapées au vol par le saxophone qui en tisse sa texture onctueuse. Comme une pluie chaude et sensuelle un soir d’été. A mesure que l’orgue prend le lead et que le tempo accélère, la ballade se transforme en course folle façon deux flics à Miami, Corvette à 200 km/h sur la baie de la riviera. Les feux tricolores défilent comme des étoiles filantes. La frénésie aliène notre perception du temps, nous nous échouons sur la jetée, haletant, vidés et heureux sur la plage de sable fin. Allongés sur le dos, la lune droit dans les yeux.
Ainsi s’enchaîneront les morceaux, tous marqués par cette sensualité, ces mélodies et surtout  cette rythmique propre au quartet. Les quatre musiciens sont bien sûr des virtuoses de leur instrument mais ce qui frappe c’est l’immense virtuosité de l’ensemble dans les transitions rythmiques ou arythmiques, qui ont le don de nous couper l’herbe sous le pied, et nous entraîner, une fois cueilli, très loin dans leur imaginaire poétique.



Willy J

Interview Sophie Leroux et Isabelle Delfourne


En direct du festival Jazz à Vienne 2011, depuis le théâtre antique.


Bonjour Sophie, bonjour Isabelle, vous êtes deux photographes, deux femmes, dans un milieu plutôt masculin, nous y reviendrons. Vous venez de publier chacune un livre, « Le Jazz au bout des doigts » paru en février 2011 pour Sophie et « Soul of Jazz » paru en Novembre 2010 pour Isabelle. Des livres magnifiques, dans un style très différent.
Mais je souhaiterais d’abord connaître votre parcours Sophie. Vous êtes née à Paris dans le XIVeme arrondissement où vous vivez toujours. Par ailleurs je sais que le matériel est important pour un photographe, pouvez-vous nous parler de votre premier boîtier ?

SL : C’était un Pentax SP1000, c’était le boîtier que mon frère m’avait prêté. Je partais avec en colonie, en vacances.

Et vous l’avez toujours ce boîtier ?

SL : Je l’ai toujours, il est vraiment en très mauvais état, mais je l’ai toujours !

On ne trouve plus de pellicules j’imagine ?

SL : Si si on trouve toujours les pellicules, heureusement  !

C’est alors le début d’une passion. En parfaite autodidacte, vous vous formez par vous-même, par les rencontres que vous faites. Vous rencontrez le jazz à vingt ans lors d’un concert d’Al Singer. Quel a été le déclic ?

SL : J’étais invitée avec un ami à un concert d’Al Singer lors d’une manifestation de la FIAC, un festival d’Art Contemporain à Paris, où je découvre cette formation. Je fais des photos avec la pauvre pellicule que j’avais, une 3X400 de l’époque. Le résultat n’était pas super mais c’est comme çà que le jazz m’est entré directement dans le cœur. Ensuite je suis allée chercher cette même sensation au Petit Journal Monparnasse, auprès d’une chanteuse, Elisabeth Caumont, que j’ai prise en photo sur un concert. Philippe Faivre, le Directeur Artistique du Petit Journal qui faisait la programmation, m’a demandé les images. On a commencé une collaboration qui devait durer plus de vingt ans ! Il me permettait d’entrer dans le club à ma guise et lui disposait de mes images pour le club. C’était une porte d’entrée magnifique.

Vous avez très vite rencontré les plus grands noms du jazz, Petrucciani, Ron Carter, Claude Nougaro, j’en passe car la liste est trop longue. Vous travaillez dans les lieux prestigieux du jazz, au New Morning, au Sun-side, etc… Vous avez également le privilège actuel d’être la seule photographe autorisée à utiliser l’antre mythique de Vienne, c'est-à-dire le studio photo situé sous la scène, à côté des coulisses, où les plus grands noms du jazz sont venus se faire tirer le portrait par vous.

Oui mais quand ils veulent ! J’essaie de les attraper avant le concert, après la conférence de presse. Je vais à leur rencontre, leur demande s’ils acceptent de participer à cette prise de vue. Pour les femmes c’est un peu compliqué car souvent elles ne sont pas encore maquillées. Pour les hommes c’est plus simple, en général ils sont ravis d’êtres pris en photo par une femme. Par ailleurs ce type de studio sous la scène est peu répandu dans les autres festivals, donc cela les amuse, les déstabilise et je suis presque certaine de pouvoir accueillir des musiciens qui n’ont pas l’habitude d’être pris en photo de cette façon. C’est vraiment à l’arraché, çà dure à peine deux minutes, je ne leur demande pas des choses extraordinaires, simplement d’être eux-mêmes. De garder un regard complice.

Nous allons revenir sur votre façon de procéder. Auparavant je me tourne vers Isabelle. Vous êtes née dans les Hautes-Alpes, un écrin naturel pour une photographe. A douze ans vous faites vos premières photos. Même question : avec quel boîtier ?

ID : Avec un petit Minox 35, à une seule optique Zeiss, mais d’une qualité incroyable. Je faisais les fêtes de famille, les paysages, tout ce qui m’accrochait ! Puis plus tard un petit Nikon F2, çà commençait à être plus sérieux, puis ensuite du matériel professionnel.

Ce premier appareil photo vous l’avez toujours ?

ID : Je l’ai toujours ! Il est dans la vitrine, il fonctionne encore. De temps en temps je l’utilise, je mets un film par an pour entretenir le mécanisme, les pièces. C’est une pièce de musée maintenant, mais çà compte dans une vie de photographe.

A vingt ans vous faites une école de photographie à New York, et vous en profitez pour faire deux traversées des Etats-Unis.

ID : Absolument, la première fois c’était avec un ami en moto, d’est en ouest en passant par la mythique route 66. Ce sera peut-être l’objet d’un projet futur d’ailleurs. J’ai ramené des milliers de clichés argentiques de toute cette traversée, avec un regard très particulier sur l’Amérique, loin du regard touristique habituel, avec des scènes de vie dans chacuns des états traversés. Puis une seconde fois en voiture, à travers d’autres états.

Vous avez déjà édité deux livres, un premier sur New York – coup de cœur FNAC 2001 – et un autre sur San-Fransisco. Vous couvrez Jazz à Vienne depuis dix ans.
Vous avez dit «  je préfère vivre mon rêve que rêver ma vie »…

ID : Oui j’ai faite mienne cette formule car elle exprime parfaitement ce que je ressens et cela illustre bien mon parcours.

Vous êtes venue à la peinture par la suite, on peut voir vos tableaux sur votre site internet. Comment est-ce venu, quel lien avec la photo ?

ID : Pour moi c’est un prolongement. Je ne me considère pas comme peintre mais je l’envisage comme une improvisation, comme un prolongement du regard. J’aime la couleur, la façon de poser la matière, cette énergie que possède la peinture. J’écoute de la musique de Jazz et j’improvise dessus comme çà. Ce sont plus des énergies spontanées, fondées sur le ressenti.

Je reviens à votre livre Sophie « le Jazz au bout des doigts ». Les photos sont absolument bouleversantes, il en ressort une humanité, quelque chose de profond et sensible. C’est très intimiste, et les images nous font accéder à une autre dimension que la simple réalité anatomique. Vous photographiez des mains et bien plus que cela. On sait que le touché est au centre de leur virtuosité pour les musiciens de Jazz. Leurs doigts sont tout pour eux, là par où s’exprime leur génie. Et vous avez eu cette intuition d’approfondir cet angle d’approche.

SL : C’est effectivement le caractère original de ma recherche autour de ce thème. Je connais bien les musiciens depuis vingt-six ans que je les photographie. Je cherchais un angle qui soit différent du portrait que tout le monde peut prendre aujourd’hui. La question était de savoir ce qui m’attirait le plus chez ces musiciens. Le jazz est effectivement une musique qui m’atteint, qui me fait m’exprimer et qui me permet d’aller au-delà de la musique grâce à l’image. Avec de l’émotion, du swing, de la tendresse, beaucoup d’attention. Et c’est en photographiant tout au long des concerts que je me suis rendue compte que le lien qui reliait l’instrument au musicien c’était sa main. Une main qui ne trompe pas : elle doit être solide, sûre, en relation avec ce que pense le musicien, avec son instrument, en adéquation parfaite.

Pouvez-vous nous dire comment l’alchimie a fonctionnée sur ces photos qui expriment bien plus qu’une main, qui expriment quelque chose de la personnalité des artistes.

SL : Je reste dans le côté jeu, je prends les photos pendant les concerts ou pendant les balances. J’observe les musiciens, je capte leur expression, je saisis ce qui vient sur l’instant. Je ne peux pas préparer la main, il n’y a pas de pose possible. Quelquefois je ne me dirige pas vers la main car je n’ai pas la lumière suffisante, ou bien je ne ressens pas forcément la musique à ce moment là. Je dois être impressionnée de quelque chose.

Il a fallu toutes ces années, toutes ces photos accumulées pour réaliser ce livre ?

SL : La première photo qui m’a été révélée fut celle de la main de Stanley Clarke au Palais des Sports en 1994. J’ai remarqué cette image, mais je ne l’ai pas développée tout de suite. J’ai laissé mûrir cette idée. Par ailleurs je ne voulais pas forcément la présenter sur papier, je voulais la présenter autrement. C’est ce qui m’a donné l’idée avec un imprimeur de la développer sous forme de toile. Puis de travailler l’image de façon à obtenir des noirs profonds. Déclinées sous un grand format, et sans reflets.

Si je vous demande de commenter une photo sur le vif ?

SL : Elle est toute vue ! C’est celle qui a impressionné toutes les personnes qui sont venues à la galerie, c’est la main de Carla Bley, ou plutôt les mains, car c’est une des seules photos au piano, avec deux mains qui donnent l’impression d’êtres l’une sur l’autre. Carla Bley est une femme très mince, très maigre et ses mains reflètent exactement sa façon d’être. Dans cette image on ressent tout autant la physiologie de son être tout entier que sa douceur de jouer, sans en faire trop, sereine. Presque décharnée, presque provocante mais pleine de douceur et de tendresse en même temps.

Effectivement on devine beaucoup de choses derrière ses mains, sa personnalité, son jeu.

SL : Le noir et blanc donne un côté intemporel. Par exemple Hank Jones, qui nous a quitté l’an dernier et que j’ai pu immortaliser quand il est venu à Vienne il y a deux ans. Je m’en souviens comme si c’était hier, c’était pendant les balances, c’est le genre de moment où je suis foudroyée sur place quand je prends l’image.

Ce sont des moments d’éternité, qui font qu’il ne nous a pas  quitté tout à fait, il restera avec nous au travers de vos  photos.
Cela rejoint ce que vous dites Isabelle pour votre livre « Soul of Jazz », où vous écrivez que vous capturez ce qui est caché, ce qui est éphémère.

ID : J’essaye de capter ce qui fait l’essence de l’être humain, ce qui nous habite. Ce qui est caché, ce sont ces petits instants de grâce, ces petits moments où quelque chose se passe et qui sacralise l’instant où on va déclencher. C’est ce moment précis que j’essaie d’immortaliser et de capter. Je veux croire que le fait de pratiquer la musique, le saxe alto à mon humble niveau, me permet néanmoins de sentir le moment où il va vraiment se passer quelque chose, cette fraction de seconde qui ne dure pas.

Une des épitaphes de votre livre de portraits est « et si le jazz faisait grandir l’âme »

ID : C’est effectivement ce que je ressens. Sur chaque concert il se passe quelque chose – ou pas d’ailleurs – c’est quelque chose que l’on ne peut pas préparer, qui va arriver ou pas. Il arrive qu’il y ait des concerts où il ne se passe rien. Dans ce cas je préfère ne pas faire la photo absolument car je sais que je ne l’aurai pas. C’est une forme de renoncement et surtout de respect. Si l’artiste ne fait pas passer cet instant, si le public ne le reçoit pas, si le photographe ne le ressent pas, ce serait mentir que de vouloir absolument passer une image qui ne s’est pas produite. Je lis un peu l’âme de ces musiciens et si ce moment de grâce se produit, tout est gagné.

Je confirme que dans votre livre, où vous avez photographié 60 musiciens de Jazz, il ressort effectivement des émotions que vous avez su saisir. La concentration, l’exultation, la joie. En particulier la joie revient souvent sur les visages que vous avez photographiés. Par exemple à la page 18 Hank Jones, à la page 61 Sangoma Everet, etc… Vous avez su saisir la joie et çà c’est quand même magique !

ID : Oui cet amour du musicien pour la musique d’une part, et d’autre part ce qu’il est capable de nous donner, de nous offrir. C’est un tel cadeau. Quand cela m’atteint profondément j’ai envie d’immortaliser ce moment, comme une forme de respect, comme un don et un contre don.

Il y a cette dimension habituelle du spectacle vivant qui est la communion entre l’artiste et le public – si elle a lieu. Et finalement en tant que photographe vous êtes un troisième pôle qui vient se greffer dans une sorte de triangle émotionnel. Avec cette particularité que vous figez sur le papier un instant  éphémère et le portez donc à l’éternité. Comme Prométhée vous volez le feu sacré pour le donner aux hommes. En cela vous êtes vous-même d’authentiques artistes.

Pouvez-vous commenter une photo de votre livre ?

ID : Disons Regina Carter qui m’a complètement bouleversée l’année dernière par son jeu au violon, sa sensibilité et l’émotion qu’elle transcende à travers son instrument. Elle a cette générosité et cette humilité face à lui, comme si elle donnait un concert pour la première fois. Elle a donné aux huit mille âmes du théâtre antique un concert magique, tout emprunt de grâce. Elle était la grâce incarnée ! Il y avait vraiment quelque chose d’intemporel ce soir là.

Qu’est-ce qui pousse un photographe à publier un livre ? Pourquoi ne pas se contenter des publications de vos photos dans la presse, dans les médias, sur internet ?

ID : C’est une envie de transmettre. Nous faisons des photos tout au long de l’année, nous accumulons une somme importante de belles images, c’est un bel héritage. Mais si on les laisse dans nos tiroirs, quel intérêt ? Par ailleurs je trouve que les générations montantes manquent parfois de culture musicale. Si je peux à mon niveau être le révélateur de quelque chose, pourquoi pas. Montrer qu’il existe de très belles musiques, de très belles choses à voir. C’est perpétuer l’esprit du jazz.

SL : Je suis absolument d’accord avec Isabelle. Par ailleurs en tant que photographes professionnelles nous constatons depuis quelques années une dégradation de nos conditions d’exercice. Les grands journaux eux-mêmes ne choisissent plus les photos de photographes indépendants mais travaillent quasi exclusivement avec des grandes agences, où la sensibilité est plus uniforme. Quand vous avez été éditée par des grands magazines ou des grands quotidiens pendant des années et que depuis deux ou trois ans vous vous retrouvez à faire des images quasiment pour votre compte, c’est difficile à gérer. Hormis quelques festivals comme Jazz à Vienne qui nous accueille, nous laisse de la place aux balances, en studio et nous font confiance, il y a de moins en moins d’exposition de nos photos. Hors il n’y a rien de plus frustrant pour un photographe que de voir ses photos moisir au fond d’un tiroir.

D’autant que nous venons de voir que votre approche était centrée sur l’émotion, cela n’aurait donc aucun sens de ne pas la partager avec d’autres.

SL : Oui et les premiers heureux sont les artistes eux-mêmes. J’ai fait parvenir mon livre à Stanley Clark, à Chick Corea qui étaient ravis de se voir rassemblés dans le même ouvrage.

ID : Je tiens à souligner ce qu’a évoqué Sophie précédemment , nous transmettons un objet, un livre d’art, un objet rare. Et nous pouvons encore le faire parce qu’ici à Vienne nous avons cette chance immense d’être accueillie dans de bonnes conditions de travail, ce qui est de plus en plus rare. C’est encore une grande famille à dimension humaine et il faut absolument que cela perdure car c’est ce qui fait toute l’essence de ce festival et nous permet aujourd’hui de présenter ce genre de livres.

Une dernière question mesdames, pensez-vous qu’il existe une subjectivité féminine en photographie ?

ID : Je parlerais plus de sensibilité féminine, un regard différent par rapport à l’approche de la prise de vue.

C’est quoi un regard différent ?

ID : Un regard maternant peut-être, un regard plus sensuel, plus doux… quoi que…

SL : il y a aussi un terme d’anticipation. Il m’est arrivé d’anticiper un déplacement sur la scène et donc de pouvoir capter un regard du musicien à ce moment là. Car je pense que nous sommes très peu de femmes dans la fosse des photographes et que les musiciens de jazz sont majoritairement des hommes. Il y a peut-être un rapport d’attirance spontanée, un jeu de séduction. L’homme se dit : voilà quelqu’un à qui je pourrais donner un petit bout de charme, quelque chose d’un peu plus sympathique. Ce qui nous donne une position privilégiée en tant que femme. C’est un honneur que le musicien nous fait que de nous repérer et nous offrir quelque chose de différent…

ID : l’intuition féminine en quelque sorte !

Ce sera notre conclusion, retrouvez des images de ces livres magnifiques en suivant les liens proposés.

A bientôt !


« le Jazz au bout des doigts » :  http://fr.blurb.com/books/1961418

« Soul of Jazz » : http://fr.blurb.com/books/1961418