samedi 14 juillet 2012

Les Take 6 apportent un vent de liberté sur les planches du théâtre antique





            En dépit des orages incessants le jour, en dépit de la météo pluvieuse et fraîche le soir, près de 1500 personnes ont maintenu leur venue au concert hier soir. Cette information suffit à cerner la motivation du public, calfeutré sous les parapluies, venu coûte que coûte assister à la prestation vocale des chanteurs de Huntsville. Quand ils apparaissent sur scène, le contraste est saisissant entre leur élégance, leur tenue légère et raffinée – moccasins cirés, gilet de soirée – et la foule attifée de capuches et de ponchos informes. Pourtant aucune barrière ne nous séparera vraiment d’eux durant toute la soirée. A peine sur scène, une proximité s’établit naturellement.

           Nous sommes pourtant éblouis par leur talent. Leur virtuosité vocale est tout simplement stupéfiante : précision tonale, précision rythmique. Fluidité et vélocité harmonique. Sans oublier l’étendue de leur tessiture qui semble couvrir plus de trois octaves, pour Alvin Chea ou Khristian Dentley notamment. Ce n’est pas un hasard si le groupe s'est produit entre autres avec Quincy Jones, Ella Fitzgerald, Stevie Wonder ou Al Jarreau. Cependant la virtuosité disparaît pour l’oreille profane, et ne transparaît in-fine qu’une sensation de joie et de liberté en action. Les six compagnons affichent une désarmante facilité et un sourire qui achève de nous bluffer. On aurait presque envie de former un groupe avec les voisins pour la prochaine fête de la musique. C’est là l’essentiel : leur joie est communicative, leur liberté est empathique. Peu importe les années de travail et de formation, peu importe le coût pour intégrer la technique. La véritable alchimie se passesur scène, dans une communion avec le public répétée, concert après concert. Est-ce parce que leur inspiration vient du Christ ? Ces chanteurs de gospel n’ont pas renié leurs origines, plus de 25 ans après. Sans ostentation, sans prosélytisme, simplement par leur chant, ils  nous font ressentir combien leur foi est vivante, combien ils aiment la faire partager. Leur plaisir à être ensembles et à jouer  – pas seulement musicalement – est visible. Pour ceux qui ont eu la chance de voir Bobby Mc Ferrin il y a deux jours à Vienne, il est frappant de remarquer certaines similitudes de jeu de scène, d’espiègleries ou de farces. Ce même amusement dont nous gratifiait également Al Jarreau l’an dernier…

                Peut-être est-ce leur foi qui fonde leur liberté d’être. Leur façon de se mouvoir sur le plateau, de se croiser en d’invisibles arabesques, en une chorégraphie complice. Sur la scène nue, sans instruments, sans sonorisation presque, pourvus du seul micro sans fil, ils sont là, eux et leur voix. Leur corps et leur chant. Une incarnation de la sobriété heureuse. C’est cet alignement  que nous percevons et qui nous irrigue à notre tour. Les parapluies dansent, les ponchos se déhanchent. La pluie devient une bénédiction du ciel avec qui nous faisons corps.

               N’allez cependant pas croire que cet état fut atteint par la seule douceur des arrangements de voix harmonisées. Leur premier album éponyme en 1988 fut un choc, où Alvin Chea (basse), Mark Kibble (ténor), Claude McKnight (ténor), David Thomas (ténor), Cedric Dent (baryton, maintenant remplacé par Khristian Dentley) et Mervyn Warren (ténor, maintenant remplacé par Joël Kibble), révélaient la puissance de leur polyphonie strictement a capella. Avec des imitations vocales de percussions, de contrebasse ou de trompette saisissantes. Depuis, les étudiants de l’Alabama ont grandi et n’ont cessé d’innover. Jusqu’à intégrer le beat-box et les accents hip-hop. Khristian Dentley qui a rejoint le groupe en 2011 en est la preuve éclatante. Ses capacités de slam et de beatboxing font pâlir les rois du rap. Son solo de DJ virtuel et de scratch vocal d’hier soir était juste invraissemblable. Par ailleurs l’accompagnement de piano vient dorénavant s’inviter sur quelques titres. Le répertoire nous a également incité au déhanchement. Stevie Wonder, Michael Jackson, Doobie Brothers, Prince font partie des  références du groupe, qui se ré-approprient leurs titres a capella et avec fraîcheur.

             Cette une proximité vivante que nous avons vécue hier soir, palpable du début à la fin. Du début, où Alvin Chea nous témoigne sa joie sincère à voir un public bravant la pluie ou encore remercie les organisateurs pour leur persévérance,  là où d’autres festivals auraient annulé la soirée. A la fin, où pendant la séance de dédicaces, nos chanteurs se laissent prendre en photo, signent des autographes,  serrent des mains ou font la bise aussi naturellement que s’ils étaient nos frères. Avec une joie réelle et palpable d’être là avec nous. Malgré le soleil absent, malgré les flaques d’eau. Juste le bonheur d’être ensemble. Cette presque béatitude de fin de concert se vérifie également dans les relations entre spectateurs, entre inconnus devenus si proches. La parole s’engage naturellement. La même lueur dans les yeux, cet apaisement d’avoir été bien nourri, cette connivence d’avoir partagé le festin ensemble. On aurait presque envie de se revoir, de devenir ami, de s’inviter à la maison. Alors n’oubliez-pas, pour agrandir votre cercle, la prochaine fois, venez au concert des Take 6 !



Willy J

Dimanche 1 juillet 2012 – scène du Théâtre Antique

1 commentaire:

  1. Je connais les Take 6 depuis leurs débuts. J'adore. Et contrairement à Erykah Badu, eux c'est la classe !

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