Manu
Codjia sort délicatement la guitare de son étui. En un mouvement à peine
remarqué pose déjà ses premiers accords. Sonorités électriques façon Joe
Satriani. Quelques mesures seulement, avant que ne le rejoignent Jérôme Regard à
la contrebasse et Philippe Garcia à la batterie. Démarre alors une poursuite
effrénée sous les voûtes du Hot Club. Départ immédiat en vitesse lumière vers
des tunnels intergalactiques électromagnétiques. Aux pieds du guitariste, une
quantité de pédales de distortion, chorus, flangers, delays, echos, EQs,
réverb, wah wah et potentiomètres plus abondants que dans le cockpit de
l’Enterprise. Qui file tout droit en évitant les météorites : la batterie
connaît la modulation adequat, l’ondulation qui les contourne. La basse donne
les coups de gaz synchrones qui propulsent l’engin - comme ce déhanché après la
bosse sur une piste rouge. Ainsi pourvu, le vaisseau est à disposition du
capitaine Manu, du commandant, attachez vos ceintures tout va bien se passer. Looping,
piqué, voltige, rien ne semble impossible au trio spectral. C’était Beat it, en
époustouflante reprise et en introduction magistrale du set.
Sorti
en 2010 « Covers » est inspiré de standards pops ou rocks emmenés
avec maestria dans l’univers du jazz par le jeune guitariste. Après « Songs
Line » en 2007 et « Manu Codjia » en 2009, l’artiste nous
gratifie d’un album aérien et lumineux, ancré et inspiré. Nourri aux tubes des
années 80’ ,
c’est tout naturellement que Leonard Cohen, Serge Gainsbourg ou Michael Jackson
ont pris place dans son imaginaire. Un répertoire encore peu abordé dans le
jazz, malgré quelques tentatives heureuses comme Nguyên-Lê par exemple.
Sur
Redemption song qui prend la suite nous changeons de planète. Relax hypnotique.
Se laisser porter, embarquer. Plus le choix, les arrangements vous collent au
siège, sur les ballades comme sur les tempos hardcore. C’est cette subtilité de
l’écriture harmonique qui donne sa poésie et son style singulier au trio,
ré-haussée de la touche d’improvisation scénique qui parfait le tableau. Le
Requiem pour un con fusionné avec Je t’aime moi non plus est envisagé sous un
rythme infernal. Le grand Serge en aurait rêvé, Manu l’a fait. Riffs
paroxystiques qui exacerbent la rythmique hachée. Retour en douceur sur
Halleluyah, vallée verdoyante, moteurs coupés sauf une légère Charley menée aux
balais, vol plané silencieux, le bruit de l’air sur les ailes.
Sans
heurts, sans douleurs, les bandits pas manchots kidnappent notre esprit. Jimmy
Hendrix assis au premier rang, spectateur invisible, savoure la liqueur de son
petit protégé. Sa satisfaction est palpable : son âme résonne ce soir sous
les doigts sauvages d’un Haut-Marnais béni, dont les pierres du Hot vont
ressuer pour longtemps encore les mélodies.
Willy
J
Merci pour le partage de ce moment. J'espère pouvoir voir un jour Manu Codjia près de chez moi.
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