mardi 10 avril 2012

Franck Tortiller « Le rythme et le bleu »


 

Franck Tortiller a fait ses débuts dans le bal en Bourgogne, à la batterie. Outre que cela vous forge l’endurance d’un musicien, c’est également une école du swing que d’arriver à faire danser les gens pendant cinq heures !
Après des précédents projets sur Led Zeppelin ou sur l’opérette, Franck aborde cette fois le blues avec pour source d’inspiration Otis Redding, Aretha Franklin,  Roy Ayers, Stevie Wonder, Prince, Curtis Mayfield et même Nino Ferrer.
S’il assume sa proximité avec Andy Emler et son MegaOctet, il possède néanmoins un style bien à lui, en témoigne son projet « Ivresse » en 2009, centré sur le geste. Jamais en repos, il travaille actuellement sur un projet de musique mandingue avec entre autre l’ensemble vocal Sequenza 9.3.

 Place donc à cette formation sans guitare, sans piano et sans voix mais pas sans talent. Le mini Big Band ( !) s’installe avec cinq cuivres, une basse, une batterie et bien sûr deux splendides vibraphones en devant de scène. On remarque de suite le jeu à quatre baguettes, technique singulière qu’a développée le percussionniste et qui procure des sons riches en harmoniques.
La première composition, « le rythme et le bleu n°1 » attaque sur un tempo soutenu et une intro de cuivre en fanfare. Les cassures de rythme sont fréquentes et parfaitement menées jusqu’au final millimétré. Le second morceau « le rythme et le bleu n°4 » entame une intro de cuivres plus progressive, façon film de Lelouch. Les percus viennent ensuite se poser délicatement et introduisent un solo de clarinette tout en délicatesse, magnifiquement suspendu aux pulsations bleues des coups de baguettes (magiques). Un absolu entrelacs qui monte crescendo jusqu’au paroxysme avant de suspendre son vol et repartir en douceur. Puis reprendre son envol tel un condor majestueux.
La basse aura le privilège d’introduire la 3eme composition, nous sommes maintenant dans un parking souterrain du Bronx, la Ford Falcon avance prudemment dans une atmosphère à la Shaft. C’est au tour du trombone à coulisse de prendre le devant de la scène pour un emballement rythmique sans bavure jusqu’au climax. Le talent des compositions et de leur interprétation réside dans des rythmes apparemment binaires dans la puissance de leur balancé mais en réalité incroyablement complexes puisqu’ils permettent des montagnes russes tempiques d’une maestria invraisemblable. S’ensuit un solo de vibraphone où les lames libèrent les perles d’un chapelet bleu riviera. L’orchestre nous administre une potion qui nous bascule directement au fond du terrier de mister Rabbit, dans le monde magique et bleu, sans autre substance que celle des notes. Franck Tortiller nous arrache doucement à la pesanteur, nous fait flotter à quelques pieds du sol. Ses compositions prennent la maîtrise sans violence de l’espace-temps du théâtre. Pour nous déposer subtilement en fin de set, groggys et heureux, sur un plancher un peu plus riche de saveurs.
Les vibraphonistes, en dignes héritiers des muses savent nous emporter dans la voûte céleste, la basse et la batterie nous ancrer dans la terre, et les cuivres jeter les lianes dorées tendues entre les deux. Chapeau à notre griot bourguignon !



Willy J

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