Attablé au Bösendorfer, du haut de
ses 73 ans, Palmieri amorce ce type d’intro caractéristique du piano
portoricain, un pas en avant deux pas en arrière, où chaque mesure rend
impatient de la suivante, dans une houle qui suscite son propre désir,
interminable prélude, paroxysme sans cesse renouvelé sur lui-même. Amenant le
développement du thème haut, très haut, sur les cimes desquelles il ne
redescendra plus. Ecriture qui évoque celle des Masters At Work sur leur
mythique projet Nuyorican Soul. Les deux DJ new-yorkais Kenny « dope » Gonsalez et Little
Louie Vega y travaillaient les rythmes
salsa aussi savamment que notre invité de ce soir, qui figure d’ailleurs aux
crédits de l’album.
En revanche la trompette de la
soirée est quant à lui une figure bien
caractéristique du quartet, en est même l’éclat précieux. Palmieri a décidé de
mettre le jeu de Brian Lynch en première ligne, comme en enfant qui se régale
d’une marionnette, s’assoit et lui dit « maintenant, joue ! ».
Et il est vrai que l’interprétation est enchanteresse. Elle déchire le voile
brumeux de notre tiédeur, arrache les harmonies des entrailles de la terre pour
les projeter en jets dorés dans l’espace vide de la salle, dans le ciel azur de
Vaulx en Velin. Le planétarium n’en croit pas ses lentilles. L’alchimie serait
fragile sans le suspens entretenu par Ernesto Simpson aux percussions,
extatique alternance de jeu tour à tour caressant puis martelant, en accélération
puis stoppé net, qui nous harponne dans
sa syncope sans autre issue que la danse. La contrebasse enfin, avec le très
jeune Lugues Curtis qui tient son rôle avec brio au milieu de tant de génie, et
apporte une cohérence harmonique douce à nos oreilles.
Palmieri est un virtuose du piano
certes. Il y a une touche de Monk qui serait tombé dans la salsa, pour le
meilleur du contre-temps. Mais ce qui distingue les compositions,
l’interprétation et surtout la direction du sieur Eddie, c’est sa capacité à
jouer des ressorts de ses musiciens pour créer la résonnance de phase. Chaque
chorus est à la fois saillant d’éclat et toujours ancré dans le socle de jeu
des partenaires. Après avoir voltigé en solo dans les hautes sphères le retour
est assuré en douceur par les collègues.
Le tableau de la soirée ne serait pas complet sans l’évocation de ces danseurs qui ont poussé les chaises, incapables de contenir le serpent fougueux qui ondule en eux. Une belle groupie au sang chaud et portoricain sans conteste, tailleur japonais rouge écarlate qui rehausse sa chevelure noire jais. Dont seuls les talons ultra aiguille la relie encore à un sol qui n’existe plus pour elle. Mue par le fil invisible et frénétique qui vibre aux ordres du maestro, elle fascine. Ou bien encore ce couple qui entame la danse, légèrement à l’écart du public et coulent leurs corps dans des pas de salsa. Entrelacs de passes, déhanchés emboités, frôlement des êtres.
Ainsi s’est achevée l’édition 2012, avec une soirée de clôture feu d’artifice. Nous souhaitons à l’équipe du festival une programmation aussi heureuse pour la saison prochaine !
Willy J – Samedi 24 Mars 2012 – A Vaulx Jazz
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