Le
patron du club présente les quatre musiciens déjà sur scène et l’on voit
d’abord des visages poupons et sérieux, genre gendre idéal. Dimitry Baevski attend
poliment la fin du speach, saxo en bandoulière, puis présente ses gars :
Joe Cohn, guitare serrée contre lui, salue timidement. Joe Strasser à la batterie
et Mathias Allamane à la contrebasse - en costard du dimanche - font leur
révérence.
Cependant,
dés les premiers sursauts du saxe, on sait que ce n’est pas le quatuor du lycée
qui joue pour la remise des diplômes. Mais plutôt le quartet élancé dans l’œil
du cyclone. Le souffle précis et flexible, le son gras et perçant nous prend
par l’oreille instantanément. Mutine et sautillante, la rythmique de la guitare
vous cueille au talon, déjà vous frappez la grosse caisse et hochez du chef.
Joe est parti sur son balai magique. Harry Potter du jazz, il essaie de maîtriser
son instrument par moult rituels vaudou, roulades aériennes et grimaces
convulsées. Jaillit de cette bataille un chapelet de notes en grappes et un
accord irréel par sa main droite élastique. Dimitri, pas impressionné, se range
sur le côté et attend l’issue du combat. Joe victorieux, la salle emportée, le
quartet embraye et continue son road-movie infernal. Un sourire malicieux sur
les lèvres, le bassiste pince ses cordes frénétiquement dans une lutte digne de
Joe, la taille de l’engin en plus. Le batteur nous livre deux solos à déchirer
les pierres de la cave voutée. Le mercure a pris quarante degré, et j’ai tout à
coup l’impression d’être assis en deuxième classe sur le siège du milieu d’un
avion modèle réduit. J’ai envie de danser. Mon voisin manipule un truc énorme
qui ressemble à un appareil photo. Fin du premier set.
Quand
Dimitry introduit la deuxième session, le costume n’est pas encore totalement
craqué. Nos cowboys New Yorkais ont pris la fuite, mais ils ne sont pas encore devenus sauvages. Cela ne va pas
tarder. A mesure que s’enchaînent les morceaux, une communion harmonique et
rythmique s’installe, crescendo. Le quartet devient aérien, fluide, entêtant.
On voudrait se brancher ad-vitam sur ce flux d’énergie, ce flux de vie. Les
bandidos de la salle qui ont suivi la chevauchée fantastique, pleins de sueur
et de sable, en redemandent. C’est au saloon que la suite aura lieu.
Quand
ils m’annoncent le nombre impressionnant de dates de leur tournée européenne,
qui se termine à Vladivostok, je comprends que ces gars là sont des cowboys
pour de vrai. Ils essaient de me faire croire qu’ils carburent à la bière. Mais
je comprends vite que c’est plutôt au magnétisme de Marina, leur séduisante
impresario. Le batteur m’indique que l’accueil en France est excellent. Les
jazzmens - Apaches ou Yankee – nous font toujours rêver et ce n’est pas ce soir
qu’on va changer d’avis.
Hasta la
Vista in Lyon !
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