mercredi 21 mars 2012

Les doigts de l’homme


 
A la salle Molière, tout le monde veut y être. Les catholiques comme les républicains. Son faste impressionnant n’ôte pas le doute : suis-je entré dans la chapelle du curé d’Ars ou dans une salle du conseil de la révolution ? Les tuyaux d’orgues majestueux, les anges aux ailes dorées me font incliner pour la première hypothèse. Mais les stucs dorés idem, estampillés « RF » me rappellent à l’ordre. Heureusement, car le groupe qui prend possession du lieu ce soir pencherait plutôt pour un militantisme assumé. Sur scène, Olivier Kikteff – guitare, chant, oud – distille les messages engagés – sur l’identité nationale par exemple – ou les titres provocateurs comme « Camping Sauvage à Auschwitz ». Dans un style manouche réveillé et vivant, le quartet emmène son public au doigt et à l’œil. Tanguy Blum à la contrebasse, Yannick Alcocer et Benoit Convert à la guitare.
Public qui en redemande, enthousiaste. Des compositions plus calées que celles de Brassens nous transportent, sur « La valse des Rois »  par exemple. Tanguy Blum y exhale un râle de contrebasse bien grasse. Plus chaloupé, le morceau « Zinedine Tzigane » vire alternatif, évoque les jeunes années des Négresses Vertes. Quelques spectatrices à l’étroit dans leur fauteuil ondulent instinctivement. Si une piste de danse était disponible elle serait déjà remplie. Un son qui fait danser subtilement mais irrémédiablement. Le groupe nous recentre à l’essence du Jazz, vieille dame éternellement renouvelée, vivante de son éternelle jeunesse. Accueilli par une salve d’applaudissements spontanés, un triomphe, un tonnerre de Brest sous la coupole dorée !
Le rappel est intimiste et complice, tout sauf de l'indifférence. Tony Murena invoqué comme une ritournelle, une formule magique sortie d’un vieux grimoire, une nostalgie vivante et vivifiante, une larme de joie imprévue.
Douceur tzigane, orphelins de la terre, fils du swing, nous communions dans cette chapelle musicale. Un dernier « Poinçonneur des Lilas », pour que Gainsbourg se trémousse dans sa tombe. Et adios. Les Doigts s’envolent pour Bornéo le lendemain. Est-ce cette lumineuse perspective qui insufflait l’allégresse à cette soirée magique ? Une seule certitude : les esprits du Jazz étaient de la partie.



Willy J
Vendredi 6 mai 2011 - salle Molière

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