A
la salle Molière, tout le monde veut y être. Les catholiques comme les
républicains. Son faste impressionnant n’ôte pas le doute : suis-je entré
dans la chapelle du curé d’Ars ou dans une salle du conseil de la
révolution ? Les tuyaux d’orgues majestueux, les anges aux ailes dorées me
font incliner pour la première hypothèse. Mais les stucs dorés idem,
estampillés « RF » me rappellent à l’ordre. Heureusement, car le
groupe qui prend possession du lieu ce soir pencherait plutôt pour un
militantisme assumé. Sur scène, Olivier Kikteff – guitare, chant, oud – distille
les messages engagés – sur l’identité nationale par exemple – ou les titres
provocateurs comme « Camping Sauvage à Auschwitz ». Dans un style
manouche réveillé et vivant, le quartet emmène son public au doigt et à l’œil.
Tanguy Blum à la contrebasse, Yannick Alcocer et Benoit Convert à la guitare.
Public
qui en redemande, enthousiaste. Des compositions plus calées que celles de
Brassens nous transportent, sur « La valse des Rois » par exemple. Tanguy Blum y exhale un râle de
contrebasse bien grasse. Plus chaloupé, le morceau « Zinedine Tzigane »
vire alternatif, évoque les jeunes années des Négresses Vertes. Quelques
spectatrices à l’étroit dans leur fauteuil ondulent instinctivement. Si une
piste de danse était disponible elle serait déjà remplie. Un son qui fait
danser subtilement mais irrémédiablement. Le groupe nous recentre à l’essence
du Jazz, vieille dame éternellement renouvelée, vivante de son éternelle jeunesse.
Accueilli par une salve d’applaudissements spontanés, un triomphe, un tonnerre
de Brest sous la coupole dorée !
Le
rappel est intimiste et complice, tout sauf de l'indifférence. Tony Murena
invoqué comme une ritournelle, une formule magique sortie d’un vieux grimoire,
une nostalgie vivante et vivifiante, une larme de joie imprévue.
Douceur
tzigane, orphelins de la terre, fils du swing, nous communions dans cette
chapelle musicale. Un dernier « Poinçonneur des Lilas », pour que
Gainsbourg se trémousse dans sa tombe. Et adios. Les Doigts s’envolent pour
Bornéo le lendemain. Est-ce cette lumineuse perspective qui insufflait
l’allégresse à cette soirée magique ? Une seule certitude : les
esprits du Jazz étaient de la partie.
Willy
J
Vendredi 6 mai 2011 - salle Molière
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire